La technologie fait plus pour les riches que les pauvres




« Diffuser une technologie pourrait fonctionner en quelque sorte si la technologie fait plus pour les pauvres, peu scolarisés, qu’elle ne fait pour les riches bien éduqués et puissants. Mais c’est l’inverse qui se passe : la technologie aide les riches à s’enrichir en faisant peu pour les pauvres, creusant ainsi les écarts entre les nantis et les démunis. »                                                                                                                             Kentaro TOYAMA                    


Aujourd’hui, il y a très peu de voix discordante sur le rôle qu’a pu jouer la technologie dans l’accroissement de la pauvreté dans le monde. En effet, l’évolution du contexte de technologie, notamment les avancées des technologies de l’information et des communications (TIC), caractérisée par un inégal accès, est l’un des facteurs expliquant la montée des écarts de revenus dans le monde d’après l’OCDE, à côté de l’augmentation des emplois atypiques et précaire, moins stables et l’affaiblissement des systèmes distributifs [1]. Cependant, si des études ont souligné l’inégal accès à la technologie comme l’un des facteurs qui explique l’écart entre les pauvres et le riches, Kentaro Toyama, lui, professeur à l’école d’information de Berkeley et ancien informaticien à Microsoft, ajoute deux autres mécanismes : le différentiel social et le différentiel d’usage pour expliquer comment la technologie creuse l’écart entre riche et pauvre.



L’accès différentiel. Selon Toyama, la technologie est toujours plus accessible aux riches et aux puissants. Il ajoute que même lorsque la technologie est mise gratuitement aux services des pauvres, la fracture numérique qui n’est autre que la disparité d'accès aux technologies informatiques, notamment internet persiste. Cette situation s’explique par le fait que les pauvres ont généralement moins de temps de loisir et plus de difficultés à les atteindre. De plus, les pauvres ont une capacité généralement limitée en raison des problèmes d’éducation or, les nouvelles technologies en cours d’utilisation nécessitent assez souvent un certain niveau d’anglais ou d’une autre langue différente de la langue maternelle. Ce qui rend difficile pour les personnes alphabétisées à utiliser les nouvelles technologies.


Le différentiel social. La valeur de la technologie a relevé une situation dépend de la capacité des utilisateurs à l’utiliser à bon escient. Ainsi, deux personnes ayant un niveau d’éducation différent et des liens sociaux différents ne profiteront pas de la même façon d’une même technologie. On peut prendre l’exemple de la télévision dans les pays riches et pauvres. En effet, la difficulté d’accès qu’ont les pauvres en ce qui attrait à une éducation de qualité est un des éléments qui limite les retombées positives des nouvelles technologies. Et, la technologie ne peut pas rattraper ce déficit chez les pauvres. Même si l’accès différencié à la technologie pourrait être combattue en diffusant universellement la technologie, le différentiel des capacités en matière d’éducation, d’aptitudes sociales, lui, demeure (Toyama). C’est le vrai problème en réalité.


Le différentiel d’usage. Le plus important dans l’utilisation de la technologie, c’est en fait l’usage que les gens en fassent. Ce mécanisme d’après Toyama est celui qui contribue à l’élargissement de l’écart entre les privilégiés et exclus. Et, étonnamment, les pauvres utilisent pour la plupart les nouvelles technologies pour se divertir. Ils deviennent rapidement des gens compétents en téléchargement de vidéos, ironise Toyama. « Ils ne se précipitent pas pour trouver en ligne des ressources éducatives ou de mettre à niveau des compétences professionnelles. » Or, la technologie a des effets positifs que dans la mesure où les gens sont prêts et capables de l’utiliser de manière positive.


Loin de vouloir blâmer les victimes, Toyama voit cela plutôt comme une opportunité pour les pays riches d’investir beaucoup plus dans l’education universelle de haute qualité, de développer les possibilités humaines, au lieu d’essayer de compenser les limites de celles-ci par la technologie. Loin de vouloir traiter la technologie d’inutile, il rappelle que les pays ou régions tels les Etats-Unis, le Canada, la France, le Japon ou l’Europe occidental ont été des puissances économiques bien avant les technologies numériques. Evidemment, la technologie peut aider les pays de rattraper assez vite cet écart mais il ne faut pas oublier les problèmes de bases puisqu’ils sont très déterminants des retombées de la technologie sur le développement. Ainsi, Toyama estime que les technologies de l’information peuvent être interprétées davantage comme un résultat du progrès économique que comme une cause primaire.

« La diffusion de la technologie est facile, mais entretenir les capacités humaines et les organisations qui ont permis ce bon usage est le point crucial ». En effet, la technologie rime avec une éducation de qualité. Si certains optent pour une éducation numérique aux populations, Toyama, lui, opte pour une vraie éducation de base. D’après, lui, c’est ce qui manque le plus aux sociétés en développement. Sinon, la technologie fera beaucoup plus de mal que de bien.



Anderson TIBEAUD
Économiste 
tibanderson92@gmail.com
 (509) 3314-3317
Blog: andersontibeaud.blogspot.com 

@EconandersonT




Références
https://www.inegalites.fr/Les-inegalites-dans-les-pays-de-l-OCDE-l-ecart-entre-riches-et-pauvres-se?id_theme=26
https://andersontibeaud.blogspot.com/2018/11/attention-la-technologie-nest-pas-le.html
https://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/11/19/la-technologie-peut-elle-eliminer-la-pauvrete_1442535_651865.html



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