Tisser des liens de confiance avec la diaspora haïtienne pour l’inciter à s'engager davantage en Haïti





Quand on parle d’intégration de la diaspora, cela revient le plus souvent à débattre sur le niveau assez important des transferts sans contreparties dans l’économie, près de 3,2 milliards de dollars américains en 2018 soit 37 % du PIB [2]. Des transferts très importants pour lutter contre la pauvreté dans certaines familles mais, avec des impacts très mitigé sur la croissance économique. Néanmoins, les diasporas ne se résument pas à l’envoi de transferts dans leur pays d’origine, elles peuvent être investisseurs, philanthropes, innovateurs, moteurs de l’expansion de secteurs importants, tel le tourisme, et source première d’enrichissement du capital humain (Agunias et Newland, 2012). Aussi, elles peuvent donner de l’élan à de nombreuses filières d’activités comme le sport, la musique, la culture ou l’art en général.


En effet, certains gouvernements ont exprimé tant bien que mal leur intention d’intégrer la diaspora. Ils visèrent à la fois les talents, les compétences et les investissements : une mission colossale ! Des propositions sont faites et, des actions même si isolées, en dehors d’une stratégie bien définies tentent d’aborder la question. Cependant, associer la diaspora dans le développement du pays demande un travail de longue haleine, il nécessitera des ressources humaines et financières énormes et, tout devrait débuter avec un but.


La chine et l’Inde s’efforcent depuis des années d’inciter les entrepreneurs et travailleurs hautement qualifiés de sa diaspora à lancer des activités dans leur pays d’origine. Par contre, le Gouvernement des Philippines a opté pour une stratégie de large déploiement de main-d’œuvre contractuelle à l’étranger en vue de combattre le chômage chez lui et de jouir du flux des rapatriements de fonds [1]. En effet, les Philippines œuvrent pour qu’il y ait plus de philippins vivant à l’étranger donc moins de chômeurs et plus de rapatriement de fonds chez eux tandis que la Chine et l’Inde œuvrent pour la création des activités dans leur pays d’origine par certains membres de la diaspora pour augmenter l’emploi et les opportunités pour les gens.

Ces pays ont identifié un problème jugé assez criant dans leur société puis ils définissent un canal d’aide à travers la diaspora. En Haïti, est-ce que le but sera de lutter contre la pauvreté ou le chômage, augmenter les activités économiques ou d’accroitre la productivité, soutenir la balance des paiements ou les investissements etc. Il faut définir un but pour que les choses se fassent d’une manière qu’on puisse mesurer l’impact. Et, les gouvernements ont plus de chances de se fixer des objectifs réalistes mais ambitieux s’ils consultent les diasporas [1]. 

Afin de définir un but et des objectifs clairs sur la façon que l’on veut associer la diaspora dans le développement du pays. L’Etat doit chercher d’abord à avoir une bonne connaissance de la diaspora c’est-à-dire ce qu’elle a à offrir (ses capacités, ses expériences et compétences) ; ce qu’elle est prête à offrir ; ce qu’elle attend en retour du gouvernement (ses besoins et attentes) [1] ; où ils sont ? Leur situation ? Leur potentiel apport au développement ? Les différentes organisations de la diaspora qui œuvrent dans le pays ? Et, ensuite, il sera devenu nécessaire de prendre acte de la diversité des priorités, des intérêts et de définir des stratégies au sein de la diaspora.

Intégrer la diaspora. Des chercheurs ont fait ressortir qu’il y a élément très important dans cette démarche à souligner : la confiance. Si l’on veut que les diasporas s’impliquent beaucoup plus dans le développement, elles doivent se sentir à l’aise, et faire partir d’un ensemble. Bâtir la confiance. Toutes les parties doivent se sentir avantageux dans la relation. Trop souvent, les diasporas ont eu le sentiment d’être des « vache à lait », des ATM des gouvernements des pays d’origines [1]. On peut prendre l’exemple de la taxe 1,50 sur les transferts et les prélèvements de centimes (0,05) sur les appels téléphoniques sur la diaspora alors qu’elles sont mises de côté : elles sont vues comme une option parallèle ou additionnelle.

Tisser des liens de confiances. Des études ont fait ressortir qu’en octroyant la double nationalité, qui donne le droit politique aux diasporas est un élément important à prendre en compte. Cela crée un sentiment d’appartenance et de l’attachement à l’égard des pays d’origines. Plusieurs pays d’origines l’ont compris et les pays de destination aussi. Cela témoigne de la confiance des pays d’origines dans des citoyens vivant à l’extérieur en reconnaissant qu’ils détiennent les compétences, les talents et ressources pouvant être utiles aux politiques de développement (Agunias et Newland, 2012). C’est même devenu un élément très important pour tout pays qui veut une implication beaucoup plus fructueuse de sa diaspora.

D’autres Etats parrainent des évènements culturels à l’étranger pour pousser les diasporas à s’impliquer chez eux. Certains profitent de certaines occasions pour honorer certains membres de la diaspora pour leur contribution au pays. Certains pays offrent des privilèges (franchise, exonérations fiscales) aux citoyens non-résidées. Mexique avec l’IME crée en 2002 collabore avec le fameux programme TRES POR UNO (trois pour un), en vertu duquel trois paliers du gouvernement versent des contributions égales à celles faites par les organisations de migrants à des projets d’infrastructures dans les villes dont ils sont originaires. Ces éléments, en plus de l’amour que les diasporas portent pour leur pays, poussent encore plus les diasporas à s’impliquer chez eux. Et enfin, tisser les liens de confiance avec la diaspora peut-être en favorisant le climat des affaires, la transparence, la bonne gouvernance ou de la primauté du droit (Agunias et Newland, 2012).


Intégrer la diaspora n’est pas le fruit de hasard ou d’importante réforme. Cela nécessitera du temps, de l’argent et des hommes honnêtes et sérieux. Et, ce n’est quand la confiance est établie et que les liens sont devenus solides entre la diaspora et le gouvernement qu’il est possible de parler de mobiliser ou d’associer la diaspora dans le développement. Mais, jusqu’à aujourd’hui il n’y a pas de but clairement défini, il n’y a guère de confiance et on n’a pas encore une bonne connaissance de notre diaspora. En tout cas, le potentiel est là, il revient au gouvernement de définir un partenariat solide et sincère afin d’en profiter.


 

Anderson Tibeaud

Économiste 
tibanderson92@gmail.com
 (509) 3314-3317
Blog: andersontibeaud.blogspot.com 
@EconandersonT


Références


Ce texte s’inspire du rapport publié en 2012 conjointement par l’Organisation Internationale pour les Migratoires (OIM) et la Migration Policy Institute sur le titre Comment associer les diasporas au développement, nous profitons de cet article pour présenter un ensemble d’éléments indispensable pour la mise en place d’une stratégie d’intégration de la diaspora haïtienne dans un contexte où des propositions sont faites et des décisions isolées sont prises mais sans qu’il y de vraie stratégie.

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