Et si l’État entretenait un meilleur rapport avec ses citoyens à travers l’économie?





La nature des relations entre les différents groupes de la société est symptomatique du type de rapport entretenu par l’État avec les citoyens à travers l’économie. L’État précède la nation et il a un devoir de reconnaissance envers les composantes de la nation, dont il tient sa légitimité [3].


La société haïtienne actuelle porte les séquelles de l’époque coloniale basée sur des privilèges où ceux qui veulent jouir des bienfaits de l’économie s’accrochent de plus en plus au pouvoir. Il en découle une société où l’on a, d’un côté, les partisans du pouvoir et l’élite et d’un autre côté, la grande masse des citoyens. La population, formant la majorité des citoyens, est exclue systématiquement dans la distribution des richesses de l’économie nationale. Son accessibilité à la richesse du pays n’a même pas été définie [3].


Figure d’autorité et de contrainte collective au service de la nation, l’État a le devoir de s’organiser et de se structurer afin d’assurer l’harmonisation de la société. Il en résulte que la nature des relations entre cette superstructure et le citoyen est très déterminante dans la gouvernance du système économique [3].


En Haïti, on est face à un État qui ne se soucie guère d’améliorer les conditions de vie des citoyens. Quand les autorités sont obligées d’évoquer les citoyens dans leurs interventions publiques, elles utilisent vaguement le terme « le Peuple » comme pour signifier des gens sans aucun droit et à qui on accorde une faveur. Et à chaque intervention faite auprès des citoyens, elles en parlent comme d’un engagement à prendre, comme si elles venaient à peine de réaliser qu’elles ont des citoyens sous leur responsabilité. Il est donc certainement difficile d’octroyer des biens et services à des gens qui n’ont pas de droits reconnus légitimes [1].


L’État n’a pas encore la volonté de créer un cadre propice aux activités économiques pouvant améliorer le bien-être matériel et social du citoyen. L’État ne s’intéresse qu’à grossir les recettes à travers l’activité des secteurs de l’économie, la sphère productive et la politique de l’emploi ne l’intéressent guère. Ceci se voit à travers les pratiques fiscales où l’État cherche de nouvelles pistes pour augmenter les recettes notamment sur les frais des transferts de la diaspora, au lieu de mettre en place des politiques devant augmenter la taille du marché pour accroître la création de richesses [1].


Le système fiscal est construit autour de prélèvements fiscaux sans promesse pour le contribuable. Il concourt simplement à combler certains déficits de l’État au lieu de favoriser à une meilleure redistribution des richesses. Il ne s’intéresse pas à mieux gérer les ressources ni à corriger ses mauvaises pratiques. Le citoyen n’est pas sa cible. Ce qui compte c’est de prélever les taxes et impôts pour l’assiette fiscale ou, mieux, pour supporter son administration et ses partisans [1].



L’État a tort de croire que des programmes sociaux pourraient arriver à combler l’attente des citoyens. On fait des citoyens des assistés et des votants conditionnés. C’est pourquoi la politique prime sur tout en Haïti. Elle prime comme moyen de nouer le dialogue avec l’État. C’est seulement dans ce champ que le citoyen se voit important. C’est le mode d’accès défini par l’État pour accéder à la richesse dans l’économie, car les maigres richesses sont partagées entre partisans et l’élite [1].


Certains citoyens sont exclus publiquement de la jouissance des biens et service publics à travers l’énoncé des dirigeants du genre « l’État est pauvre », « l’État ne peut rien faire », « l’administration précédente a tout emporté », et patati et patata. D’après Chéry (2012), c’est comme si on voulait dire aux citoyens qu’il n’y en a pas assez pour tout le monde. Ceci prend la forme d’une volonté de ne pas éduquer le citoyen et pousser ces rares ressources intellectuelles à quitter le pays [1].



Des citoyens se plaignent de la négligence de l’État envers certains secteurs de la vie nationale, d’autres stigmatisent les mauvais traitements que subissent leurs concitoyens à l’étranger qui sont abandonnés à leur sort : l’État n’a aucun projet pour ses citoyens. C’est pourquoi, leurs revendications passeront inaperçues si elles ne nuisent pas la société ou à l’État lui-même. Donc, l’État entretient une relation de dominant et de dominés avec le citoyen [1] [2].


La relation qu’entretient l’État avec ses citoyens n’a jamais fait débat dans la société haïtienne. Les droits dont les citoyens jouissent dans certains pays ne trouvent pas automatiquement l’adhésion de nos dirigeants. La forme de gouvernement importe peu. Tout réside dans la nature de la relation entre l’État et les citoyens à travers l’économie. Sans la reconnaissance des droits du citoyen en tant que créanciers de l’État, on aura beau faire des analyses sur les résultats de l’activité économique, puisque les choix de politiques ne visent pas à améliorer les conditions de vie depuis leur conception.


À quoi sert l’État si le bien-être du citoyen n’est pas son objectif ? À quoi sert l’économie si les activités ne permettent pas aux citoyens de s’épanouir ? L’État doit stimuler la création de richesses dans l’économie afin que le citoyen arrive à s’insérer dignement dans la société. C'est pourquoi Chéry (2012), il faut une nouvelle relation entre l’État et les citoyens en plaçant celui- ci au centre des décisions. Pour cela, il faut une nouvelle société qui aura des incitations de l’État à investir dans les domaines comme (l’éducation, la santé, la sécurité publique, etc.), donc, dans le citoyen afin que tous arrivent à l’égalité économique, sociale et politique, citoyens paysans ou citadins [3].


Anderson Tibeaud

Économiste 
 (509) 3314-3317
@EconandersonT





Références
[1] La structuration de l'économie et la réforme de l'État en Haïti de Frédéric G. Chéry (2012)
[2] Traité de science politique de Georges Burdeau
[3] Les racines historiques de l’État duvaliériste (1987), Michel Ralph Trouillot



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