La migration peut-elle substituer à l’aide au développement ?  

La migration peut-elle substituer à l’aide au développement ?



Ce texte est inspiré du texte de Speranta Dumitru (2013), « Des visas, pas de l’aide ! De la migration comme substitut à l’aide au développement ». Il s’ancre dans l’actualité du débat concernant cette inclination naturelle des haïtiens à migrer. Nous n'essayons pas de faire une promotion de la migration, nous voulons comparer l'aide publique au développement et la migration en termes d'efficacité dans la lutte contre la pauvreté. Étant donné que la migration a prouvé sa capacité dans la lutte contre la pauvreté en Haïti, l’aide étant inefficace, ne devrait-elle pas la remplacer ?

Nous utilisons le critère de pauvreté-efficace proposé par Paul Collier et David Dollar. Dans leur étude, ils soutiennent une politique de développement pauvreté-efficace comme étant l’ensemble de mesures qui, combinées, permettent de sortir le plus grand nombre de personnes de la pauvreté [1].

Ceci implique que si une politique s’est révélée inefficace. Alors à elle seule, elle ne peut pas constituer la politique de développement, puisqu’il existe d’autres mesures, la migration par exemple. Vu l’incomplétude de l’aide, refuser d’intégrer la migration comme stratégie de développement revient à choisir une politique de développement moins pauvreté-efficace. Il soutient que de telles politiques conduisent à piéger les pauvres dans leur Etat [2].

Le sous-développement de certains pays est qualifié d’une situation de piège à pauvreté. Il implique un faisceau circulaire des forces qui tendent à agir et réagir l’une sur l’autre de sorte qu’elles maintiennent un pays pauvre dans un état de pauvreté (Dumitru, 2013).
L'aide extérieure est vue comme une nécessité pour démarrer le processus d’accumulation du capital, de croissance économique afin de briser le piège à pauvreté. Toutefois, les modèles de croissance prédisant que l’aide extérieure permet de sortir du piège à pauvreté ont donné des résultats contraires [2][3].

L’aide augmentait de préférence la consommation publique et la taille du gouvernement, mais ne bénéficiait ni à l’investissement ni aux pauvres. Il n’a aucun effet significatif sur l’amélioration des indicateurs du développement humain (taux d’alphabétisation, espérance de vie, etc) [2][3].

Quelle que soit les résultats de la gestion de l'aide dans la lutte contre la pauvreté, l'Etat est l'unique administrateur de l’aide. L’aide maintient et renforce la suprématie des Etats. Et cette dernière agit comme un piège qui maintient les pauvres dans un état de pauvreté. C’est ce qui fait la malédiction des pauvres vivants dans les pays mal gouvernés.

Les économistes s’accordent à reconnaitre que la mobilité est un facteur de prospérité. John Kenneth Galbraith s’étonnait de la difficulté à le faire accepter. La migration est le plus ancien moyen de lutte contre la pauvreté. La découverte du nouveau monde est inscrite dans la recherche du bien-être des colonisateurs. Le peuplement du nouveau monde par les européens en particulier par les irlandais fuyant la famine (crise de la pomme de terre) plus de 55 millions de 1840-1919 [2].

Sans doute, les populations accorderont-elles beaucoup plus d’importance à un pays qui offre plus de visa et par contre, les gouvernements accorderont de l’importance à ceux qui offrent plus d’aide. En 2006, la Banque mondiale a même suggéré aux pays développés d’envisager l’ouverture de leurs frontières comme une politique de développement. Des études ont montré qu’une augmentation de 3 % des migrants active représente le double de ce que les pays pauvres gagneraient des trois politiques de développement conjuguées : l’aide publique au développement, la libéralisation totale du commerce mondial et l’annulation de la dette. Des études ont établi qu’une croissance de 10 % des envois d’argent correspond à une baisse moyenne de la proportion des personnes vivant dans la pauvreté de 3,5 % (Dumitru, 2013).
Malheureusement, très peu d’études ont approché ces thématiques en Haïti. Ces vingt dernières années les transferts ont atteint en moyenne 2 milliard de dollars, plus élevés que l’aide en développement. Les transferts des migrants ne sont pas utilisés que pour la consommation : ils investissent dans l’éducation, dans la construction de logement. Ils influencent la croissance.
La migration a été l’une des plus grandes réponses des haïtiens fuyant la pauvreté. Certains pays ont compris l’importance des migrants pour le financement du développement puisque ces flux de transferts s’avèrent être plus stables et sûrs, quelle que soit la conjoncture économique. Le gouvernement haïtien a même taxé les transferts. Principale source de devises du pays, ils constituent près d’un tiers du PIB. Ne peut-on pas considérer la migration comme un complément ou un substitut de l’aide en Haïti ?
Des chercheurs ont relevé que la construction des États conduit à emprisonner les populations ou à les étreindre entre leurs frontières. On semble pousser les pauvres à rester pour attendre le développement de leur pays. Comment comprendre que des gens poussent les gens à résister à un bien aussi manifeste ?
Les migrants représentent que 2,2 % de l’humanité et contribuent déjà quatre fois plus au développement que ne le font les pays développés (500 milliard par an). Donc, accepter la migration comme stratégie de développement diminuerait à coup sûr l’importance de leur rôle dans la lutte contre la pauvreté.
Faut-il piéger les pauvres dans des régions enclavées, mal gouvernées, avec des conditions socioéconomiques et environnementales défavorables ? Des économistes soutiennent qu’il faut éviter de voir le développement en terme de pays mais en terme d’humain. Certains ont souligné que « ce sont les gens, et non les bouts de terre, qui éprouvent du bien-être » (Dumitru, 2013). Ils avancent qu’il est temps de parler des populations au lieu des pays, donc des haïtiens au lieu d'Haïti.
Ainsi, refuser de voir la migration comme moyen de lutte contre la Pauvreté, revient à piéger les pauvres dans les États où ils sont nés.


Anderson Tibeaud
Bachelor in Applied Economy

(509) 3314-3317 

tibanderson92@gmail.com
@EcoandersonT




[1] Adams, Richard H., et John Page (2005), « Do international migration and remittances reduce poverty in developing countries ? », World Development, vol. 33, no 10, p. 1645-1667.
[2] Speranta Dumitru (2013), « Des visas, pas de l’aide ! De la migration comme substitut à l’aide au développement ».
[3] Collier, Paul, et David Dollar (2002), « Aid allocation and poverty reduction », European Economic Review, vol. 46, no 8, p. 1475-1500.




















Commentaires

  1. La migration pourrait s'avérer une stratégie de développement, si et seulement si ces personnes migrées verriont leurs conditions de vie et leur cadre de vie améliorés.

    Sinon, ce sera tout simplement l'occasion de profiter des conditions inconfortables pauvres des gens pour sous-tirer des frais de visas, de tickets et d'hotels, possibilités aussi de s'offrir une main d'oeuvre à trop bon marché, les gens ayant besoin de l'argent seront prêts à accepter si peu que ce soit, suffit qu'ils gagnent quelque chose...mais ce sera aussi de l'illégalité, de l'inégalité humaine affreuse et une appropriation à l'esclavage moderne. On travail pour queu dalle !

    Dans les conditions où les migrés haïtiens peuvent travailler pour se nourrir, se vêtir, se loger, se divertir et s'éduquer ainsi que leurs familles, on peut dire que la migration pourrait substituer à l'aide au développement, en lieu et place des fonds alloués qui vont après servir à payer des per diem, des voitures, de belles maisons, etc...et queu dalle pour les plus réculés, les abandonnés, les sans mots ni courage, les moins capables, les pauvres.

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