Halte ! Les élus ne sont pas les seuls à penser au bien-être de la société




La démocratie vit actuellement un cynisme exagéré de la part des citoyens. Les élus ont tendance à ne défendre que leurs intérêts. Les scandales de corruption, les décisions partisanes, le trafic d’influence sont des questions qui bouleversent la société haïtienne actuellement. La nécessité pour la démocratie de devenir de plus en plus participative prend beaucoup de plus d’ampleur.

Souvent les décisions politiques de nos gouvernements suscitent des débats très controversés. Elles créent des tensions sociales, engendrent des frustrations et soulèvent des protestations. Du coup, les élus ont toujours des explications à fournir pour se faire comprendre. Les élus ne peuvent donc, à eux seuls, représenter l’intérêt général.

Les décisions souffrent assez souvent de légitimité sociale. Rien n’est aussi malvenu qu’une décision qui provoque l’apathie des gens ou qui crée des troubles inutiles. Les évènements récents en témoignent ; les débats controversés autour de quelques points peu clairs du budget. Bref, les politiques ne sont pas connus de tous et leurs choix n’ont pas impliqué les citoyens. Les conséquences qui en découlent sont nuisibles pour une société qui fait face à tous les problèmes temps, à l’instabilité sociopolitique. 

Les décisions prises sans l’implication des groupes d’intérêts amplifient les problèmes et les tensions sociales en accumulant les décisions marginales. Cela est donc nuisible pour l’activité économique. Face à cette perte de confiance, l’importance des groupes d’intérêts se fait de plus en plus sentir. Les élus ne sont pas les seuls à pouvoir jouer un rôle de représentation. Les groupes d’intérêts sont un atout pour porter la responsabilité du malaise qui ébranle nos démocraties représentatives avance Côté. Selon Mancur Olson, "les groupes d’intérêts sont plus représentatifs du peuple que les assemblées législatives fondées sur la représentation territoriale" [1].

Pour cela, nous présentons un mécanisme assez intéressant qui est la représentation des intérêts des citoyens à travers des groupes d’intérêts. En Haïti, ces groupes existent déjà même si souvent informellement, ils influencent le décisions de nos gouvernements et parfois font tomber des gouvernements. Selon Basso, les groupes d’intérêts sont compris comme des entités cherchant à représenter les intérêts d’une section spécifique de la société dans l’espace public. C’est une forme d’action collective concertée en faveur d’une cause. Il s’agit d’un agir-ensemble intentionnel, marqué par le projet explicite des protagonistes de se mobiliser de concert. Cet agir ensemble se développe dans une logique de revendication, de défense d’un intérêt matériel ou d’une cause [2].

L’importance des groupes d’intérêts d'après Côté, c’est leur capacité à faire exister dans l’espace public un intérêt particulier. Ces groupes assurent un travail de médiation entre ses membres et le pouvoir public. Leur champ d’action ne serait pas politique, dans la mesure où par nature, ils ne s’instituent pas en force politiques organisées à l’instar des partis politiques. Ils cherchent à influencer les gouvernements ou les ministères par la presse, la publicité, etc. Cette représentation favorise le débat sur les revendications de nombreux groupes sociaux. Il permet à un plus grand nombre de citoyens de faire valoir leurs revendications. Ils améliorent la qualité de la vie démocratique : ils améliorent la connaissance des membres sur le fonctionnement de l’administration publique [1].

Les politiques publiques, budget par exemple, restent attachées à un processus de sélection, et il est donc important d’en connaître les motivations et le contenu. Mais aussi de chercher à l’influencer selon les intérêts de vos groupes sociaux. On est dans la lignée des pluralistes (Modèle anglo-saxon, modèle polyarchique) qui soutiennent que la somme des intérêts catégoriels donne naissance à l’émergence de l’intérêt général et de l’intérêt public. Donc, l’État est là pour arbitrer ces intérêts contradictoires. L’Etat étant également porteurs de demandes et de besoins, l’administration est loin d’être uniforme. Pour éviter une suprématie des intérêts de la part des responsables étatiques, de quelques grands patrons, des agences de coopération, l’État a besoin des groupes d’intérêts comme contre-pouvoirs [1].

En effet, les décideurs ne sont pas les seuls à penser pour le bien-être de la collectivité. La société a son rôle à jouer, les groupes d’intérêts sont comme éléments représentatifs, acteurs de la vie sociale, culturelle, économique. Il faut donc éviter qu’ils soient mis sur pied pour des motifs politiques : ce sont les groupes sociaux qui doivent définir l’État et non l’inverse. La confiance des populations dans les décisions est un facteur positif. Il importe pour la réussite de nos politiques. Ils améliorent la qualité des politiques et favorisent la prise de décisions éclairées : ils donnent de la crédibilité aux politiques gouvernementales. 

Si les élus sont nos représentants, il faut un mécanisme pour influencer leurs politiques. Il faut un mécanisme pour contraindre les élus à travailler pour le bien-être collectif et aussi éviter qu’un groupe quelconque décide des orientations des activités dans la société. Toutefois, les groupes d'intérèts sont parfois decriés en raison qu'ils ne représentent pas l'intérèt des membres (conséquences de la corruption) mais, quand même, ils représentent un contre-pouvoir organisé. C'est pourquoi certains avancent qu'il faut de la concurrence entre les groupes. Il en résulte une vision en termes d’équilibre des pouvoirs garantissant la satisfaction du plus grand nombre dès lors que des groupes d’intérêts seraient prêts à se mobiliser face à des décisions de politiques allant à l’encontre de leurs intérêts. Il est donc de bon ton que les individus soient informés des décisions. Il en découle un modèle d’État gouverné par la société. Il y va donc de la cohésion entre les différents groupes dans la société.



Anderson Tibeaud
Économiste au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE)
 (509) 3314-3317

Blog: andersontibeaud.blogspot.com 
Anderson Tibeaud

Références 

 [1] André C. Côté : Comment envisager la démocratie sans le groupes d’intérêts ? Commissaire au lobbysme du Québec avec la collaboration Emilie Giguère et de Daniel Parent

[2] Jacques Basso (2013) : Les groupes d’intérêt, les groupes de pression et le fonctionnement de la démocratie en société civile européenne,

[3]Jean-Patrick Brady et Stéphane Paquin : Groupes d’intérêt et mouvement sociaux, collection prisme, presse de l’université Laval.


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