Les groupes d’intérêts, une nécessité pour l’élaboration des politiques à la prise de décision en Haiti
Les groupes d’intérêts, une nécessité pour l’élaboration des politiques à la
prise de décision en Haiti
L’influence du citoyen dans l’élaboration des
politiques est d’une importance cruciale pour la démocratie. Les élus ne sont
pas les seuls à pouvoir jouer un rôle de représentation. La démocratie, fondée
sur des valeurs de liberté et d’égalité, accorde une large place à la liberté
d’opinion et d’expression. Selon Lathan, la structure de la société est
associative et les groupes en sont la base. Les groupes d’intérêts (association
professionnelle, Think Tank, syndicats, groupes de consommateurs, etc.) sont vitaux
à l’exercice de la démocratie moderne dans un contexte où les représentants
auraient tendance à favoriser leurs intérêts personnels au détriment du
bienêtre public. Ils permettent aux citoyens de participer aux débats en y
présentant leurs intérêts et en garantissant ainsi une démocratie plus
participative.
Les besoins de l’homme étant illimités et les
ressources existantes limitées, il est donc appelé à faire des choix. Il est
par conséquent contraint de prendre des décisions controversées en raison des
différents groupes sociaux existant à l’intérieur de la société, celle-ci étant
divisée en plusieurs classes ou groupes sociaux suivant le niveau de revenu, le
type de profession ou encore la catégorie d’activités dans laquelle elle
s’inscrit. Il est donc commode que les intérêts des différents groupes de la
société divergent. Les groupes sociaux étant en constantes interactions dans la
société, les actions des uns influencent la situation des autres.
Toutefois, les choix ne sont jamais neutres. L’État,
né des problèmes de cohésion entre les classes sociales, devrait pouvoir
assurer l’optimalité des choix entre les besoins des classes. Pourtant, il
arrive que l’État lui-même soit un centre de luttes de classes et d’intérêts.
Le mythe de l’État jacobin, porteur d’une cohérence majestueuse qui le
placerait au-dessus des intérêts particuliers, ne résiste pas à l’observation
de l’État en action. Ainsi, la politique est-elle vue comme le résultat d’un
constant marchandage entre des groupes qui ont tous un moyen de pression sur
l’État.
Une décision de politique relève de l’action de
l’État. Selon Dye (1976), cette décision implique « tout ce qu’un gouvernement
décide de faire ou de ne pas faire ». Elle désigne les interventions d’une
autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un
domaine spécifique de la société dans l’optique d’obtenir une modification ou
une évolution d’une situation donnée.
Les objectifs d’une décision de politique ne
profiteraient pas à tous, elle présente à la fois des ressources et des
contraintes du fait que leurs impacts diffèrent selon les composantes de la
société. Ce qui peut provoquer des troubles sociaux et léser certains intérêts.
Ainsi, une politique publique estelle vue comme « un construit social et un
construit de recherche ». Un construit social, puisqu’elle est le produit
d’acteurs sociaux et de leurs interactions et un construit de recherche, car
elle permet de comprendre et de voir comment y arriver.
Les groupes d’intérêts sont des entités
cherchant à représenter les intérêts d’une section spécifique de la société
dans l’espace public . Ils sont définis comme des associations d’individus,
généralement organisées formellement, qui tentent d’influencer les politiques
publiques. Un groupe d’intérêt est donc un groupe social plus ou moins bien
organisé qui exerce une pression sur les pouvoirs publics afin de défendre
leurs intérêts particuliers, qu’ils soient économiques, matériels, financiers,
humanitaires ou moraux.
La présence et l’implication des groupes
d’intérêts dans le processus décisionnel sont des facteurs positifs, ils
constituent une voie de représentation d’intérêts particuliers auprès des
pouvoirs publics. Ils améliorent la qualité des politiques et favorisent la
prise de décision éclairée, ils donnent la crédibilité aux politiques
gouvernementales . Le professeur Chéry soutient que ces groupes rendent les
citoyens aptes à créer des biens collectifs en assurant que l’initiative soit
uniquement de la volonté des citoyens et non mis sur pied pour des motifs
politiques. Cela provoque une nouvelle forme de relation entre les citoyens, la
société et l’État. Il exige une nouvelle façon à l’État de concevoir ces
citoyens.
Dans la société haïtienne, on constate la
quasi-absence d’acteurs ou de groupes formels défendant des intérêts de
différents groupes socioprofessionnels ou encore différents groupes de
consommateurs. Il y a des associations socioprofessionnelles qui représentent
un secteur d’activité, mais qui ne sont pas représentatives : des gens qui
parlent au nom d’un secteur, mais sans être légitimes. On est en présence d’un
vide d’organisation sociale que chacun essaie d’utiliser pour ses propres
intérêts. En gros, dans les soidisant négociations, ce ne sont plus ces gens qui
décident, mais plutôt les chargés publics. C’est donc l’appât des gains qui les
motivent. Toutefois, la faiblesse de certains groupes d’intérêts fragilise les
relations avec l’autorité publique (manque d’information pertinente le
concernant, avoir les moyens pour défendre ses intérêts, prise en compte des
citoyens inactifs dans le groupe). Si nous prenons l’exemple d’un groupe
d’intérêt qui domine l’actualité, le syndicat des chauffeurs et propriétaires
de véhicules, très connu comme groupe d’intérêt et groupe de pression qui jouit
d’un quasi-monopole dans la société. Ce groupe assure à l’insu de tous les
canaux quand le gouvernement veut augmenter les prix aux pompes. Cela suscite
de multiples questions telles que : les chauffeurs et propriétaires de véhicules
de transports sontils les seuls à utiliser l’essence ? Quand est-ce que cette
structure a fait des recommandations à l’État concernant le secteur ? Y a-t-il
un moment où ils ont sollicité une baisse des prix aux pompes ? Ils
représentent quels intérêts ? Quelles sont les bases de ces négociations ?
Quels citoyens prétendent-ils représenter ? Quel mandat les citoyens ont-ils
conféré à ce groupe ?
L’essence étant un produit transversal, il
implique plusieurs sous-groupes de la société. Qu’arrive-t-il à ceux qui n’ont
pas les moyens de se faire entendre ? Il faut de la concurrence entre les
groupes d’intérêts pour qu’un groupe ne soit pas en mesure d’imposer une
décision selon ses seuls intérêts. Il faut une réglementation (transparence,
éthique et déontologique, sanctions) des activités d’influence afin d’accroître
la confiance des citoyens.
D’autres préoccupations naissent de
l’inexistence de groupes de métiers. Prenons le cas des ébénistes, combien de
temps encore allez-vous garder le silence alors que l’État achète de nouveaux
bureaux importés chaque année ? Les paysans qui cultivent le riz, attendez-vous
qu’une politique vienne vous intégrer dans les cantines scolaires ? Les
associations de métiers, les consommateurs, pourquoi vouloir attendre que les
solutions pleuvent ? Les débats ne suffisent pas. Réunissez-vous et définissez
vos moyens de pression. Soyez des contre-pouvoirs. Il faut de la concurrence
entre les groupes pour faire entendre vos intérêts afin d’atteindre l’équilibre
social. Il faut venir avec vos propositions de politiques, créer vos propres
canaux pour influencer les politiques de nos élus.
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