Inciter les entreprises haïtiennes à être plus productives et plus compétititives par l’augmentation des salaires, n’est-il un bon pari ?
Ce que l’expérience de la Chine peut nous
inspirer !
Une étude réalisée par le Centre d'études
prospectives et d'informations internationales (CEEPI) sur la réforme sur le
salaire minimum chinois en 2004 rapporté par Magnerais & Poncet, a fait ressortir que, la
hausse du salaire minimum dans les entreprises a incité les entreprises à
améliorer leurs processus de production. L'étude avance que la hausse du
salaire minimum, en renchérissant les coûts de production, favorise le remplacement
des entreprises les moins efficaces par des entreprises plus performantes et
pousse les autres à améliorer leur productivité.
La Chine, connue comme une figure symbolique de la
production de bas salaire, a appliqué une politique d’augmentation sans
précédent sur plusieurs années du salaire minimum dans les entreprises
chinoises à travers différentes régions entre 2004 et 2007. Les résultats ont
été assez surprenant, la hausse du salaire minimum rapporte Magnerais &
Poncet, en renchérissant les coûts de production, ont favorisé le remplacement
des entreprises les moins efficaces par des entreprises plus performantes et
pousse les autres à améliorer leur productivité. La hausse du salaire minimum a
conduit certaines entreprises à fermer, mais « les suppressions d’emplois
liées aux fermetures d’entreprises semblent exactement être compensées par la
création de nouveaux établissements. Aussi, les entreprises qui ont dû fermer
étaient, en général, moins productives que la moyenne, alors que les nouvelles
sont, au contraire, plus productives [1]. »
Le rapport souligne que, dans les entreprises qui
survivent, les salaires augmentent sans que l’emploi diminue : la productivité
des entreprises exposées augmente, permettant à ces dernières d’absorber la hausse
du salaire minimum imposée, sans réduction de leurs emplois ou de leurs
profits. Sur la période de 2003-2005, l’augmentation du salaire minimum a
expliqué près de 20 % de l’augmentation de la productivité des entreprises et
s’est révélé un élément de dynamisation du tissu industriel. Tout ceci est
significativement lié (à 60 %) à la venue des nouvelles firmes remplaçant les
firmes peu productives qui ont dû fermer.
En effet, l’augmentation du salaire peut être un
moyen d’inciter les entreprises à améliorer leurs processus de production afin
d’augmenter la productivité et d’être plus compétitive , plusieurs
études le confirment ( David Levine (1992), Holzer (1990)). " En
1986, George Akerlof, Prix Nobel en Economie de
2001 proposaient une théorie des “salaires efficients” (theory of
efficiency wages), indiquant qu’augmenter les salaires pouvait avoir sur
certains marchés des conséquences positives sur la productivité et la
compétitivité des entreprises. La majorité des études s’accordent à dire qu’un
salarié mieux payé travaille plus dur et mieux."[3]. Cependant, comme l’a
souligné Mayneris & Poncet, « dans les pays en développement (comme
Haïti), les sources d’inefficacité productive sont plus nombreuses (faiblesse
technologique, biais cognitifs etc.). Or, plus les salaires sont bas, moins les
inefficiences dans le processus de production pénalisent les
entreprises, et, plus il est rationnel pour les entreprises de conserver
leur mode de production, même s’il serait moins efficace. Elles le font pour
conserver leur marge. Mais, si on fait augmenter les salaires de manière
significative, les entreprises seront obligées d’adopter les meilleures
technologies, les ressources humaines les plus qualifiés et les modes
d’organisation appropriés afin d’augmenter leur productivité et compétitivité.
Dans les pays en développement comme Haïti, le
problème est beaucoup plus complexe, et les sources des problèmes de
productivité sont plus nombreuses. Plusieurs travaux cités par l’étude montrent
qu’il existe dans ces pays un coût fixe parfois élever pour les entreprises à
l’adoption de technologies ou de modes d’organisation plus efficaces (coûts
monétaires, mais aussi coûts d’apprentissage, biais cognitifs, tendance à la
procrastination). D’autres éléments sont à considérer, sinon l’augmentation de
salaire peut provoquer un risque de perte de compétitivité et de blocage du
processus de croissance comme l’a souligné l’étude. Aussi, une augmentation du
salaire minimum a tendance à déplacer l’emploi du milieu formel au milieu
informel dans les pays en développement.
Qu’est-ce qu’on peut apprendre de la Chine ?
Certes, le contexte de la Chine en 2004 (une économie à forte croissance)
diffère de contexte actuel d’Haïti, mais la Chine n’est pas un cas unique.
Plusieurs études internationales suggèrent qu’une augmentation du salaire
signifie des salariés plus productifs. David Levine (1992) a démontré aux
Etats-Unis, qu’augmenter les salaires des ouvriers permettait d’améliorer leur
productivité de façon suffisante pour que le gain de productivité compense les
dépenses engendrées par la hausse des salaires [3]. Ce serait peut-être
difficile pour certaines entreprises de contenir ses nouvelles normes, et
certaines entreprises devront être détruites pour faire place à d’autres plus
productives. Cependant, il est d’une extrême nécessité d’inciter les
entreprises locales à augmenter leur productivité, par des mesures
contraignantes si possible, afin de favoriser des gains de productivités de
l’ensemble de l’économie.
L’étude du CEEPII sous-entend que seule une
amélioration de la qualité des produits ou de la productivité des entreprises
dans les pays en développement pourrait leur permettre de rétablir leur
compétitivité et d'échapper à la trappe à revenu faible. Croitre ou
disparaitre. Augmenter le niveau de productivité ou se faire remplacer. Si les
entrepreneurs ne produisent pas les biens et services de mieux en mieux et
toujours plus efficacement et à moindre coût, la population ne verra pas son
niveau de vie augmenter. Dans tous les cas, il n’y a aucun doute : un choc
est nécessaire pour provoquer les entreprises à œuvrer pour améliorer leur
productivité dans l’économie sinon elles continueront à maintenir les bas
salaires tout en utilisant des processus de production inefficaces et maintenir
la précarité des conditions de vie des ménages.
Cet article ne recommande pas nécessairement que
les salaires minimums soient augmentés beaucoup plus
significativement pour que les entreprises haïtiennes soient plus
productives et compétitives. Ce n’est pas la seule mesure incitative qui existe
pour booster la productivité et la compétitivité des entreprises, et la
croissance économique avec. Comme je l’ai souligné, il y a d’autres biais et
cela demande de la volonté aussi. Une volonté de croitre ses activités, de
créer plus de richesse et d’améliorer la vie des ménages. Une vision reposée
sur le long terme, et une responsabilité sociale des entreprises [3].
Une chose est sure. Il y a un effort à faire, et
il faut le faire. Pour une économie dynamique, il faut assurer l’existence d’entreprises
capables d’assurer ou de favoriser des gains de productivité favorable à
l’ensemble de l’économie. Devrait-on attendre indéfiniment une amélioration de
la productivité de la part des entreprises pour que les salaires
augmentent enfin ou doit-on les pousser à le faire ? L’heure n’est plus à
l’attente : la croissance économique en dépend et, la pression sociale
pour une meilleure répartition des fruits de cette croissance est très élevée.
Es-ce un bon pari? Je le crois et cela vaut la peine. Je me permets de me
poser ces questions. Et si augmenter les salaires signifiait une économie
plus dynamique, plus productive, plus compétitive ? Comment alors inciter
les entreprises nationales à être plus productives ? Une augmentation des
salaires nuira-t-elle au processus de croissance de l’économie haïtienne ?
Anderson
Tibeaud
Bachelor in
Applied Economy
Blogger
tibanderson92@gmail.com
(509)
3314-3317
Blog:
andersontibeaud.blogspot.com
@EcoandersonT
Références
[1] la loi du CEPII”: Salaire minimum, emploi et
productivité : l’expérience chinoise de 2004, N° 348 – Octobre 2014 http://www.cepii.fr/blog/fr/post.asp?IDcommunique=342
[1]https://www.letemps.ch/economie/2016/05/05/augmenter-salaires-reduire-chomage-europe [2]desjardins.economie@desjardins.com :Jimmy
Jean ; les causes et conséquences d’un faible croissance des salaires au
Canada, [3] https://e-rse.net/augmentation-salaires-productivite-compettitivite-responsabilite-22092/
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