Les personnes en situation de handicap ont plus de chances de trouver du travail hors de Port-au-Prince

                                       

Port-au-Prince est la ville où l’activité économique est la plus dense pourtant, elle fait partie des communes les plus difficiles pour les personnes en situation de handicap en terme d’accès à l’emploi, rapporte Jennifer Altidor (2018). Cette commune fait partie du département où il y aurait plus de personnes en situation de handicap soit 24,9 % et, aussi où il y aurait plus de centre d’aide spécialisé avec des programmes visant l’intégration socioéconomique. .

Cet article fait suite à l’article L’image de soi-même par rapport au handicap, un aspect négligé dans l'insertion socioéconomique des personnes en situation de handicap publié récemment sur le blog.


A travers un modèle statistique d’employabilité avec des d’indicateurs clés tels estime de soi par rapport au corps, l’estime de soi par rapport au marché du travail, la zone ou commune de résidence, le niveau du revenu total (salaires, bénéfices et transferts) mensuel et la catégorie socioprofessionnelle,  la statiscienne Jennifer S. Altidor tentent de prévoir la situation socioéconomique future d’une personne en situation de handicap. Des facteurs dit-elle qui constituent des caractéristiques sur lesquelles il faut agir pour influencer la position actuelle ou future d’une personne en situation de handicap donnée.

Evidemment, l’étude vise les personnes en âge de travailler c’est-à-dire entre 15 et 64 ans desservies dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince à travers des centres spécialisés par le Bureau du Secrétaire d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées (BSEIPH). L’auteure fait une analyse de la perception ou encore de l’estime de soi des personnes en situation de handicap par rapport à leurs conditions de vie (estime de soi versus leurs potentialités humaines), le marché du travail (estime de soi versus leurs potentialités en tant qu’acteurs économiques) et la société (estime de soi versus regard et attitude de la société par rapport à la déficience).



Les personnes en situation de handicap ont une estime de soi très faible par rapport à leur handicap et le marché du travail

Un travail avec des résultats assez surprenants. En effet, les résultats de l’étude ont fait ressortir qu’au niveau de la perception des gens par rapport à leur corps, moins de 9 % des gens s’estiment hautement physique : beaucoup plus chez les femmes. Plus de 80 % s’estiment très peu par rapport à leur handicap. Ils ont honte d’eux et ne valorisent pas leur corps. La perception des gens par rapport au marché du travail est encore la même 70 % ont eu une estime de soi faible par rapport au marché du travail. Seulement 7 % s’estime hautement socio professionnellement ; beaucoup plus chez les hommes. En effet, sans étonnement, explique l’auteure, puisque, dit-elle, « l’image de soi par rapport au corps de handicap est directement liée au regard de la société portée sur la personne. De plus, quand celles-ci regardent autour d’elles et ne voient aucune infrastructure aménagée pour des personnes présentant des déficiences d’aucune sorte (transport adapté, rampes d’accès dans les édifices publics ou à usage commun, etc…), tout ceci constitue des signes de rejet social qui portent la personne à se considérer constamment comme à la fois étrange et non-désirée. »

Les résultats du modèle ont été un peu surprenants. Jennifer Altidor (2018) souligne qu’en termes d’estime de soi par rapport au corps, « quand le niveau augmente d’une unité, la probabilité d’être actif est de 0,422 fois moindre. Ce qui veut dire qu’il y a plus de chances de retrouver une personne en situation de handicap physique économiquement active avec une très faible estime de soi en termes physiques que de personnes avec une très haute estime de soi en terme physique. » En termes d’estime de soi par rapport au marché du travail, quand elle augmente d’un niveau, la probabilité d’être économiquement actif est un peu plus de 2,4 fois supérieure. Donc, il y a plus de chance de retrouver une personne en situation de handicap physique économiquement active avec une très haute estime de soi en termes de capacités et habiletés pour le marché du travail que de personnes avec une très faible estime de soi.

Altidor (2018) soutient que la position sur le marché du travail influence donc négativement l’estime de soi des personne en situation de handicap en tant que personne humaine mais influence très positivement l’estime de soi en tant qu’acteurs économiques. L’auteur explique que le fait d’être directement exposé au marché du travail (l’environnement du travail, les traitements et regards de tout genre, les collègues de travail, les patrons, les clients etc…) fragiliserait l’image de soi en termes physiques mais aiderait, parallèlement à construire ou affermir l’image de soi en termes de capacités et potentialités pour le marché du travail. Aussi, l’étude a fait ressortir que plus le niveau de scolarité atteint n’est élevé et de qualité (formation supérieure) plus le niveau de perception par rapport au marché du travail n’est élevé chez les personnes en situation de handicap. Toutefois, les professions d’arrière-plan ou de salaires de pitance, constituent un sérieux obstacle socioéconomique. L’étude révèle qu’il y a plus de chance pour les personnes qui pratique une activité de fabrication (incluant la confection) et de construction ont plus de chance d’être actives économiquement que celles de toutes les autres catégories.


Les personnes en situation de handicap ont plus de chances de trouver du travail hors de Port-au-Prince

Un résultant encore surprenant mais un peu logique, la zone de résidence, rapporte Jennifer S. Altidor (2018), joue un rôle significatif dans l’employabilité : les personnes en situation de handicap ont plus de chances de trouver du travail hors de Port-au-Prince et la zone de résidence joue un rôle significatif dans la capacité d’insertion socioprofessionnelle. En effet, « les personnes en situation de handicap qui résident hors de l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince ont presque quatre fois plus de chance d’être économiquement actives que celles qui résident à Tabarre, Delmas, Carrefour, Cité-Soleil et Pétion-ville et seize fois plus de chance d’être économiquement actives que celles qui résident à la commune de Port-au-Prince. »

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation d’après Jennifer Altidor (2018). D’abord, il est difficile de circuler à Port-au-Prince, les trottoirs sont truffés de marchands, les gens et les automobiles s’enlacent dans les rues encombrées de détritus et en mauvais état (des espaces impraticables). Il n’y a pas de feu de signalisation qui marche à plein temps. Cette commune est surpeuplée via l’exode en masse des autres coins du pays donnant lieu à une concurrence féroce sur le marché du travail ; les tensions sociales sont très fréquentes; l’accroissement du niveau d’insécurité ; de l’insalubrité ; une commune entourée de constructions anarchiques (bidonvilles) et la détérioration rapide de toutes les infrastructures surtout avec le passage du terrible tremblement de terre sont autant de défis quasi impossible à faire face pour une personne en situation de handicap.

L’environnement de résidence est donc un obstacle ou est facilitateur à l’acceptation du handicap physiquement et par rapport au marché du travail, soutient Jennifer Altidor (2018). Selon elle, plus la commune est peuplée, plus qu’elle concentre d’importantes activités économiques notamment dans le milieu informel, est très pauvre en infrastructures (niveau élevé de bidonvilisation et d’insalubrité) et présente des moins bonnes infrastructures routières ou de transport et/ou présente un taux d’insécurité relativement élevée, plus les taux de perception des personnes en situation de handicap par rapport au corps ou leur handicap et par rapport au marché du travail sont au plus bas.

L’auteur recommande un encadrement très ciblé qui prend en compte les différentes réalités, c’est-à-dire l’origine du handicap, la catégorie de handicap, le niveau d’étude, le sexe, la zone de résidence, la profession et l’image qu’à la personne par rapport à soi-même ou au marché du travail, aussi les conditions de vie des (critères sociodémographiques, économiques et subjectifs) personnes en situation de handicap. Un premier pas a été fait. Des études approfondies sont donc recommandées et encouragées pour faire ressortir les facteurs susceptibles d’influer sur l’inclusion socioéconomique des personnes en situation de handicap. Des statistiques fiables sont nécessaires, en particulier avec le BSEIPH et l’IHSI comme des centrales de données nationales sur les personnes en situation de handicap. Même si l’étude a révélé que ce serait difficile pour une personne ayant un handicap de trouver un emploi à Port-au-Prince cela ne veut pas dire nécessairement qu’il faut abandonner Port-au-Prince, mais plutôt l’auteure attire l’attention des autorités de la nécessité de s’intéresser à d’autres zones où il n’en faudra pas autant d’efforts.

La plupart des personnes ayant un handicap s’estiment vraiment faible par rapport à leur handicap ou leur corps c’est un problème très grave. Un problème qui doit attirer l’attention de tout individu ou institution voulant travailler pour l’intégration ou l’inclusion socioéconomique de ces dernières. Plusieurs raisons l’ont expliqué d’abord le regard de la société qui renvoie le rejet et la pitié, l’attitude des gens, la compréhension du handicap, la négligence autour de la question, leur niveau d’étude, la zone de résidence, la faiblesse des programmes et les infrastructures inadaptées à leur déficience. Ce faible niveau d’estime de soi rend les gens inaptes à atteindre leur plein potentiel. C’est pourquoi l’étude recommande fortement et avant tout une formation académique et supérieure de qualité, plus de programmes de développement des capacités ou des talents, des programmes qui donnent une formation de qualité et axée sur les différentes réalités afin qu’elles puissent exploiter tout leur potentiel et améliorer leur capacité d’insertion professionnelle.




Anderson Tibeaud
Economist
Blogger
tibanderson92@gmail.com
 (509) 3314-3317
Blog: andersontibeaud.blogspot.com
@EcoandersonT






Références

[1,2]Selon des estimations faites par Handicap International et RANIPH
OMS, Cit. Rapport initial de la République d’Haïti au Comité des droits des personnes handicapées, 2014
[1]https://www.un.org/development/desa/disabilities-fr/faits-et-chiffres-sur-le-handicap-et-lemploi.html Département des Affaires économiques et sociales, ONU et L’accès à l’emploi des personnes handicapées en 2011,  DARES (Direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques), INSEE, 2013
Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale 2013/2 (Numéro 98), p. 211-236. DOI 10.3917/cips.098.0211, Mai 2018

[1] Reference: Site de l’IHSIhttp://www.ihsi.ht/recensement_glossaire.htm#21





Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

La migration peut-elle substituer à l’aide au développement ?  

Un signe que le démarrage de votre startup pourrait échouer

Que peut-on dire d’un écosystème entrepreneurial ?